
La nuit est calme et le ciel noir charbon. Depuis la terrasse du palais, la ville semble s’étendre à ses pieds. Trois coups résonnent sur le sol et à chacun d’eux s’illuminent dans le ciel une étoile. Le public retient son souffle. Le spectacle peut débuter.
Un talon bleu électrique foule le sol de l'allée principale. Sur son passage se vident de leurs chaires une série d'agrumes. Les mandarines s’éventrent et se mélangent à la bergamote. La silhouette sculpturale continue son avancée dévastatrice sous le joug de stalactites trônant au-dessus de sa tête. Elle porte une robe bleu roi aux épaulettes sur-dimensionnées, une broche argentée lui souligne la taille. Ses cheveux sont tirés en un chignon strict et ses lèvres couleur sang semblent susurrer des incantations inaudibles.
Derrière elle, une ombre fait son entrée. La démarche tout aussi décidée, mais vêtue cette fois d’un tailleur sombre. Ses lignes sont fluides et épousent les mouvements de l’apparition. La route sur laquelle elle s’avance, ne présente aucune imperfection, elle est aussi lisse que le teint blafard de la silhouette. Sur les côtés, s’élèvent des gratte-ciel imposants d’où s’échappent de grandes et longues branches. D’un seul coup, les bourgeons, qui les parsèment, fleurissent, puis, leurs fleurs se muent en fruits de la passion par-ci, en pêches et en abricots par-là. Un peu plus loin, des haies de patchoulis et de roses surgissent du sol en craquelant le béton sur leur passage.
Pour le dernier acte, le décor change brutalement. Les arbres deviennent des cascades de caramel chaud. La route bétonnée se mue une rivière chocolatée. Les haies se transforment en lianes de vanille. Tout n’est plus que douceur et souvenir enfantin. Entre les barbes-à-papa et les pommes d’amour géantes, on voit apparaître la dernière figure du tableau. La démarche lente et majestueuse. Une femme couverte d’une longue robe en velours pourpre fait son entrée. Un corset en dentelle noir lui maintient sa taille de guêpe. Entre ses mains, au lieu d’une pomme empoisonnée, se niche une étoile bleu taillée dans le cristal.
Les applaudissements grondent, la foule se lève. Les mannequins s’effacent pour laisser place à leur créateur. Thierry Mugler fait irruption dans son monde aux architectures gothiques. La glace, le froid, le noir côtoient la douceur, les fruits et les sucreries de ses souvenirs d’enfance. « Angel » crée le lien entre ces deux facettes du personnage. Un flacon bleu métallisé qui recèle les fragrances secrètes de sa plus tendre enfance. Les sorties au parc d’attraction. Les goûters chez sa mère-grand. Les fêtes foraines et leurs bonbons. « Angel », un ange aux allures de sorcière tout droit sortie du conte de fée de Blanche-neige. « Méfiez-vous des anges… » Un monde moderne teinté de fantaisie, dans laquelle les flacons de parfum ressemblent à des fioles de potion magique et où l’achat d’une fragrance devient le rite initiatique pour entrer dans une communauté fermée et mystérieuse : le Cercle de Thierry Mugler. Une collectivité qui ouvrirait la porte des mystères et des secrets du créateur. Une femme nouvelle à l’odeur gourmande et orientale. Un accord tout à fait insolite et très caractériel. Une trainé de poudre magique qui marque le passage de celle qui la porte.
Au moment où l’astre renvoie son jus, une pluie d’étoiles filantes vient se déposer sur la peau encore vierge de la jeune profane. Ces éclats ne la quitteront plus jusqu’au coucher du soleil et quand elle reproduira le rite le lendemain et tous les jours qui suivront, elle sera devenu une femme «Angel», une de plus parmi nous.
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